« You are here at home »

« – Tu fais du bon travail, ça te dirait de partir en mission humanitaire à 5000kms d’ici, sur une île dévastée par l’ouragan Maria pour rénover une école et être aux côtés des locaux ?
– On signe où ? »

C’est comme ça que j’ai créé First Step. On avait besoin d’une identité, d’un support pour collecter des fonds et financer la rénovation, après des petits concerts et une campagne de dons mal orchestrée. Mais on apprend ! 

C’étaient mes premiers pas dans le domaine associatif.

Puis vient le jour de mon arrivée en Dominique. Du bateau,  j’aperçois l’île du Nord au Sud et je pose le pied sur le sol dominiquais, sans me douter que ce pays allait changer ma vie.

Je ne connaissais personne. J’avais juste échangé deux ou trois fois par téléphone avec mon contact local et je n’avais pas de logement à mon arrivée. Je suis un peu insouciant et je compte beaucoup sur l’humain. Je débarque. Des personnes me font signe. Mon niveau d’anglais est exécrable. Je monte dans une voiture qui fuit par le toit, mon siège est humide. Je suis aux côtés de deux professeures, des personnes bienveillantes. On tourne dans des quartiers plus ou moins insalubres, on s’arrête au niveau des maisons, on appelle les personnes qui y vivent.

Pas de logement de disponible et le soleil commence à décliner.

Rona, l’une des professeures me dit « Tu vas aller chez mes parents pour quelques nuits le temps de trouver un logement. » Je n’avais pas compris, je me laisse embarquer dans la famille.

Après avoir grimpé 300m de dénivelé, dépassé quelques maisons, jaunes, vertes, bleues, roses, j’arrive devant une maison, toute bétonnée, sans couleur.

Trois enfants et deux adultes.

Ils me laissent la chambre avec le lit double. Enfin, ils me laissent le lit double, c’est tout ce qu’il y a dans la chambre couleur ciment. Comme les toilettes. Ils dormiront pendant une semaine à cinq dans un lit double pour me laisser la chambre, j’en perds mes mots

« – Je peux prendre une douche ?

Oui, regarde dehors sur ta gauche. »

Trois morceaux de tôle, un rideau de douche qui se balade et un robinet de jardin bricolé pour qu’il soit un peu en hauteur. N’ayant pas de savon, les enfants vont m’en chercher au petit magasin un peu plus bas.

En face de moi, les lumières de Roseau, la capitale et puis la jungle, les montagnes et la mer des Caraïbes. La douche est fraîche et le savon me fait sentir comme la personne la plus propre du monde. Je reste là, abasourdi. Je suis à l’autre bout du monde dans un logement qui ferait fuir la plupart des gens, les voisins se promènent avec des machettes et le pitbull enchaîné n’arrête pas d’aboyer. Pourtant, je me sens plus qu’à ma place et c’est l’un de mes meilleurs souvenirs. Être dépossédé de tout, vulnérable pourtant invincible, je contemple le paysage et l’ancre dans ma mémoire à jamais.

Le lendemain matin, mon café soluble – pas particulièrement savoureux – est prêt ainsi que quelques bouts de pains avec des saucisses. La grand-mère ne me parle qu’avec ses yeux et son sourire, je lui rends la pareille et l’aide à laver la vaisselle. Je m’installe dans l’entrée qui sert de balcon avec le grand-père. Le silence règne, non pas parce que nous n’avons rien à nous dire, mais parce que ce silence veut dire tellement de choses.

« Tu es ici chez toi »
« Bienvenue en Dominique, dans mon pays »
« Si tu as besoin de quoique ce soit, dis-moi »

Ce sont des souvenirs impérissables que je chéris dans un coin de ma tête. Les jours où la motivation me manque, il me suffit de repenser à ces moments pour la retrouver, pour faire vivre First Step et nos projets. 

« Ce sont ceux qui n’ont rien qui donnent tout »

C’est cliché, d’accord, mais c’est vrai. Je souhaite à tous de vivre une telle expérience, ces moments auprès d’une famille comme celle que j’ai eu la chance de côtoyer.

Et j’aimerais remercier Sambo, le grand-père, que ces quelques jours m’ont permis de rencontrer. Il a laissé un grand vide dans sa famille et j’en suis d’autant plus reconnaissant d’avoir croisé sa route. Quelques bières, quelques cafés, quelques repas. Des discussions incompréhensibles quand il commençait à me parler créole et que je ne comprenais rien. Cette rencontre, c’est la raison de mon engagement sur l’ile de la Dominique.

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